Pour fournir en sujets de dissection un professeur un peu trop naïf, ces deux Barbe-Bleus écossais transformèrent la pension de Taner’s Close en auberge sanglante.
Le 30 novembre 1827 à la nuit tombée, deux hommes traversaient les ruelles brumeuses et désertes d’Edimbourg pour se rendre à Surgeon Square dans le centre ville. Au fond de leur carriole, camouflée sous une bâche, ils transportaient un grand sac de toile blanche contenant le cadavre d’un homme de quarante ans.
Le premier s’appelait John Burke, il était cordonnier, il logeait avec Helen MacDougal, sa concubine, dans la pension peu recommandable de Taner’s Close, dont son compagnon, Williams Hare, était le tenancier.
Les deux compères s’arrêtent devant une maison à l’allure respectable.
Elle appartenait au dr. Robert Knox, un éminent professeur d’anatomie et de chirurgie de la faculté d’Edimbourg. Ils sortirent le cadavre de la carriole, entrèrent dans la maison puis ressortirent quelques instants plus tard, l’air satisfait d’avoir empoché la somme considérable pour eux, de dix livres.
Burke et Hare venaient de vendre leur premier cadavre et, devant l’importance inespéré du gain qu’ils avaient fait, une idée leur vint bientôt à l’esprit.
Une « profession » peu recommandable, et bien sûr tout à fait illégale, connaissait alors un essor considérable, en raisons de la présence à Edimbourg d’une grande faculté de médecine : la profession de « résurrectionniste ». Ce mot désignait les pilleurs de tombes qui se chargeaient de fournir en cadavres les salles d’autopsies, et les amphithéâtre d’anatomie. Ils pénétraient la nuit dans les cimetières, ouvraient les cavaux, fracturaient les cercueils et en tiraient leur occupant, et lorsqu’ils n’étaient pas trop décomposés, trouvaient facilement à les revendre à des professeur de chirurgie, qui, comme le malheureux dr. Knox, en avaient régulièrement besoin. La difficulté de ce système artisanal était de ce procurer des « sujets » morts récemment en ayant conservé une chair suffisamment souple, car, méfiants, les parents des disparu avaient l’habitude de faire surveiller les sépultures des mois après leurs funérailles.
Les deux compères comprirent que la qualité de leur marchandise serait bien supérieur, et leur clientèle d’autant plus satisfaite, s’ils se chargeaient eux-mêmes de faire passer de vie à trépas.
Et aussitôt ils se mirent à l’ouvrage.
La pension tenue par Williams Hare et sa maîtresse, Mag Laird, était les plus discrètes, et ils n’étaient pas rare qu’il y eût coucher qu’un seul client, généralement un malheureux désargenté dont la disparition avait peu de chance d’intéressée la police.
La tâche des meurtriers fut d’autant plus facile, et le dr. Knox put, à partir de ce moment là, voir les deux hommes lui apporter régulièrement de beaux cadavres en parfait état de conservation, et qui, étant tué par étouffement, ne portaient jamais de trace d’éveiller des soupçons.
Le dr. Knox, trop absorbé par ces recherches, ne s’est jamais douté de rien, ce trafic aurait duré longtemps si Burke ne s’était enrichi d’une jeune et ravissante prostituée répondant au nom de Mary Patterson. Soudainement enrichi, il put s’en offrir les faveurs. Au cours de leur premier rendez-vous, la belle força un peu trop sur l’alcool et mourut dans les bras de son amant, qui se consola vite de cette perte en songeant au prix qu’il allait tirer du « sujet ».
Mary Patterson, livrée la nuit même à Surgeon Square, se retrouva le lendemain sur la table de dissection du dr. Knox. La jeune femme fut reconnue par plusieurs étudiants qui l’avaient connue de près. Elle était célèbre dans tout le Royaume-Uni et sa disparition fit d’ailleurs sensation à Edimbourg.
Pendant que les deux assassins continuaient à faire marcher leur ingénieuse industrie, procurant au naïf dr. Knox tous les cadavres dont il passait commande, l’un des clients – un Irlandais, nommé MacLaughlin, plus désespéré que les autres, remua ciel et terre pour retrouver la trace de sa maîtresse. A force de harceler les s, il parvint à les convaincre que la disparition de Mary Patterson était bizarre et obtint qu’une enquête soit ouverte.
Ayant recueilli les témoignages des étudiants du dr. Knox qui avaient reconnu la jeune fille de la façon la plus formelle, les s remontèrent la filière et le 1er novembre 1828, au petit matin, ils firent irruption dans la pension de la Taner’s Close.
Ils y trouvèrent les deux assassins et leurs maîtresses, ainsi que le cadavre d’une vieille dame nommée Docherty qui attendait l’heure d’être livrée à la science.
John Burke fut jugé sous l’inculpation de treize meurtres. Il fut condamné à mort et pendu le 28 janvier 1829. Mais curieusement, ses complices ne furent même pas inquiétés.
Ils parlèrent et furent tout ce qu’ils purent pour charger Burke et réussirent, de cette façon, à sauver leur vie sans même avoir passer le jugement.
Mag Laird et Helen McDougal s’expatrièrent ; l’une vécut en France, l’autre partit en Australie. Hare lui, vécu de nombreuses années à Londres, où il mourut clochard et aveugle à l’âge de 80 ans. Quant au dr. Knox, il pu prouver sans trop de peine qu’il ignorait comment ses fournisseurs obtenaient les cadavres qui approvisionnait ces cours d’anatomie.
Il fut pourtant jugé un peu sot et sa clientèle le bouda.
Il dut finalement quitté l’Université, ruiné par le scandale.
Comme la faculté de médecine d’Edimbourg avait décidément besoin de cadavres, celui de John Burke lui fut légué.
Le dr. Alexander Monro le disséqua devant ses étudiants, puis, pour garder un souvenir de ce patient célèbre, il fit montrer son squelette.
On peut aujourd’hui l’admirer, pendu au plafond de la faculté de médecine.
Il porte un petit écriteau : « John Burke, meurtrier ».